Psychopompe
16 janvier 2010, 17 h 23 mi
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même pas peur!

Psychopompe

Psukhopompos Conducteur des âmes des morts.

 

Guide dans la nuit de la mort, médiateur, passeur entre le monde des vivants et le monde des morts, le psychopompe transporte et déplace les âmes d’un plan vers l’autre – le plus souvent sans retour possible. A la croisée de la vie et de la mort, du ciel et de l’enfer, il est ainsi, au carrefour des connaissances, celui qui révèle et qui dévoile.

Les figures du psychopompe sont multiples.

La sphère sacrée.

Hermès en est la figure centrale, l’archétype que les traditions et les mythes déclinent. Envoyé du monde d’ En-Haut (Zeus) , traitant avec ceux d’En-Bas (Hadès), il est l’intermédiaire par excellence. Fils de Zeus et de Maïa, l’aînée des Pléiades, il appartient aux deux plans de l’univers. Demi-dieu des carrefours, des seuils et des charnières, il est proche des hommes et ingénieux, intelligent et rusé, il est bienveillant à leur égard. Il conduit les âmes jusqu’aux fleuves infernaux.

Odin, le Wotan des Germains de l’Ouest, est âgé, barbu et borgne. Lorsqu’il sort de son palais il conduit la chasse sauvage accompagné des guerriers morts à la guerre, il parcourt le ciel au galop les soirs d’orage.

Dans l’hindouisme, Agni emporte au ciel dans ses bras le mortel brûlé sur le bûcher funéraire pour le présenter aux dieux.

Chez les Egyptiens, Anubis, fils d’Isis et d’Osiris, introduisait les morts dans l’autre monde et veillait sur les tombes. Seigneur de la nécropole, il est représenté sous la forme du chien sauvage ou chacal.

Dans le Pacifique, Hine Nui Te Pour, grande Dame de la nuit, partit pour le monde chthonien afin d’y veiller sur les âmes des trépassés.

Le plus célèbre psychopompe reste le fils de l’Érèbe et de la Nuit, Charon, le nocher des Enfers. Il avait pour tâche de faire traverser les marais de l’Achéron dans sa barque aux âmes des défunts qui avaient reçu une sépulture.

Les figures vivantes ou animées.

Saintes et saints, héroïnes et héros sont des intercesseurs plus ou moins compassionnels. Elles ont un rôle d’accompagnement, de présentation (du mort aux dieux). On dirait aujourd’hui de « coach » de l’âme.

Chef de la milice céleste, défenseur de l’Église, patron des soldats, vainqueur du démon, Saint Michel a combattu les anges rebelles et aura à combattre le Dragon de l’Apocalypse. Il est porteur des prières à Dieu. Saint Christophe lui conduit les âmes pour qu’il les présente à saint Pierre et les amène au jugement dernier.

En Bretagne, l’ouvrier de la mort, l’Ankou circule la nuit, debout sur un chariot dont les essieux grincent. Entendre grincer les roues du « Karrig an Ankou » ou croiser en chemin le sinistre attelage sont des signes annonciateurs de la mort d’un proche.

Le shaman – dont le terme signifie personne qui possède la Connaissance – a la double fonction de guérisseur et de psychopompe : il monte au ciel grâce à un axe du monde. Il relie ainsi le monde des morts, l’au-delà, à celui des vivants par une série de transformations personnelles, parfois par l’emploi de substances psychotropes, guidés par un chaman plus ancien, selon une relation Maître-Disciple.

La sphère animale.

Elle a fourni son quota de psychopompes dont beaucoup ont lien avec le shaman, précisément.

C’est l’aigle, messager du soleil qu’il fixe dans les yeux, qui entraîne l’âme du chaman à travers les espaces invisibles. Le cheval remplit aussi cette fonction : les chamans anciens se servaient de tambours en peau de cheval et gagnaient le monde des esprits sur le cheval symbolique de leurs bâtons coudés.

En Inde, l’âme de la vache se rend, en suivant la fumée du feu du sacrifice, vers les dieux et, lorsque l’homme décède, son âme suit le chemin emprunté par l’âme de la vache. Elle est considérée comme l’ambassadrice de l’âme humaine.

Ours, loups, tortues, lièvres sont des animaux psychopompes.

Comme le renne, le chevreuil, le cerf joue ce rôle dans certaines traditions européennes, notamment chez les Celtes.

Le Prométhée hindou, le singe solaire Matariçuan, construit une arche pour transporter l’âme des morts, pour conserver et sauver ce qui ne doit pas être atteint par l’aspect négatif du déluge.

La sphère minérale/organique.

Les pierres levées sont analysées comme des monuments funéraires… par extension ce serait toutes les tombes qui pourraient relever de ce protocole symbolique.

Le blanc – couleur de l’aube – est la couleur privilégié des rites et des mutations de l’être, il est à cet égard médiateur entre l’au-delà et le monde des humains.

La sphère instrumentale/fabriquée par l’homme ou le divin. N’appartenant ni aux uns ni aux autres, le masque y joue un rôle particulier. En Afrique, il est agent de médiation ou lien entre le village et la brousse, entre les hommes et les esprits, entre les vivants et les morts. Il transmet des sollicitations et les dons des hommes pour déclencher l’intervention des ancêtres. Dans ce rôle, il est aussi par excellence, le psychopompe, celui qui est capable de mener l’âme d’une personne décédée dans l’au-delà. (Anne-Marie Bouttiaux)

Mais l’imagerie traditionnelle retiendra surtout la barque funéraire. Dès la plus haute antiquité le passage d’une rive à l’autre, d’une côte à l’autre, devait s’inscrire  parmi les premiers défis de l’homme. Au glissement de la barque sur l’eau une porosité symbolique avec le passage d’un monde à l’autre a pu s’établir facilement : le passage de la vie terrestre à l’éternité.

L’imaginaire contemporain.

Le thème du psychopompe est aujourd’hui recyclé dans la culture contemporaine. Le terme lui-même est tombé en désuétude. Prononcez-le en public : il prête à sourire. Il ne connote rien. C’est un venu d’ailleurs. Son étrangeté sonore permet tous les soupçons. Se moque-t-on ? Venu du fond de la culture mythologique, il est sans doute un alien qui tente vainement de nous rappeler l’imminence du dernier voyage.

Pourtant sous des identités nouvelles, il fascine le grand public.

Les soucoupes volantes, les apparitions mariales, l’évocation des esprits, les tables tournantes ou les grandes sagas romanesques ou cinématographiques qui puisent et plongent dans les mondes surnaturels sont peut-être les déclinaisons modernes de ce mythe qui remonte à l’aube de notre histoire consciente…

Des bandes dessinées à la luxuriance morbide, des artistes s’en emparent.

Peter Pan lui-même n’est-il pas chargé d’accompagner l’âme des petits enfants morts, afin qu’ils ne soient pas tous seuls pour faire le chemin ?

Les formes que prend aujourd’hui le psychopompe ont ceci de constant : s’il accompagne pour un voyage, c’est qu’il en connaît la destination. Enfer ou paradis, celle-ci est donc qu’il y en a une. C’est donc qu’il y a quelque chose après la mort.

Bonne ou mauvaise nouvelle, chacun appréciera.

Christian Gatard


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